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Why don't you carry me ?

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Jeu 31 Mar - 18:42
[Six mois plus tôt]

Lorsque l'aube paresseuse nous éclaire de ses rayons écarlates, même la neige semble teintée de sang.

La buée glaciale que j'exhalais à chaque expiration annonçait les prémices de l'hiver dont l'émissaire immaculé avait déjà envahit les landes. Des arbres autrefois verdoyants aux montagnes dont les sommets transperçaient les nuages, des plaines qui s'étendaient sous mes yeux jusqu'aux lacs aux reflets cristallins, tout semblait plongé dans un profond et paisible sommeil.

Et dans ce sanctuaire riche, d'un calme olympien, j'étais là, allongé sur la poudreuse.

Je m'enivrais de ces quelques secondes d'accalmie, de ce moment suspendu entre les bribes du temps. Je rêvais de ces moments de pause, de blanc, de vide, ne demandant qu'à les saisir lorsqu'ils s'offraient à moi. L'univers, en soi, est merveilleux, magnifique, mais personne ne prend jamais le temps de l'admirer. Tout le monde coure, sans s'arrêter, sans regarder nulle autre direction que celle qu'ils ne peuvent voir, droit devant eux, les yeux bandés, priant pour ne pas tomber, tout le monde vit sa vie comme Solomon Grundy.

Personne ne s'arrête pour souffler, ne serait ce que quelques secondes, personne ne cherche vraiment à se retrouver seul avec toi même. Remettre sa propre existence en question, le chemin parcouru, les événements impromptus, les choix réalisés, les occasions perdus, les actes manqués, tous ces détails, ces battements d'ailes de papillons immatériels qui ont fait de nous cette personne que l'ont hait, que l'on aime, que l'on déteste ou que l'on adulte, mais qui nous rend notre regard à chaque fois que nos prunelles se posent sur la surface d'un miroir.

Je ne demandais qu'à rester ainsi, savourant ces précieux instants de sérénité à leur juste valeur, si cette voix douloureuse et implorante n'aurait mit un terme à ce glorieux silence.

« Pitié mon seigneur … Excusez moi, je … Je m'enfuirais et je ne reviendrais jamais, je partirais loin, le plus loin possible. Dîtes .. Dîtes moi ce que vous voulez, je vous en supplie .. »


Dès lors que mes paupières se fendirent, même la limpidité du ciel et la beauté du paysage ne pouvaient occulter la scène qui illustrait les cris et les pleurs. Ce n'était plus l'aurore qui teintait les étendues enneigées, mais l'ichor écarlate qui s'écoulait du martyr qui se retenait à tout ce qu'il pouvait pour ne pas choir sur le sol.

« Tu viens de me réveiller. »

Je ne pris même pas la peine de me lever, encore moins celle de regarder cet homme droit dans les yeux, planter mes pupilles dans les siennes, chargées de reproche et d'une douleur lancinante. Il souffrait, atrocement, mais c'est de son cœur d'où provenait la plus vive des peines.
Là où le mien me semblait incapable de battre.

« Par ailleurs … Qu'est ce que tu fais encore debout ? Pourtant ... Un, deux ... »

Sans un grimacement, malgré mes muscles douloureux, mon dos se tendit et mes jambes se plièrent  suffisamment pour que je puisse m'y retenir. Assit face au soleil levant,  presque éblouit par la glace qui reflétait l'astre primordial, la scène s'offrait à moi dans toute son horreur.

Les corps brisés, tordus en des angles improbables, jalonnaient le sol comme autant de stèles macabres.

« Trois, quatre, cinq ... »

Aux jambes fendues en deux se mêlait le spectacle désolant de nuques réduites en miettes, de yeux injectés de sang luisant de haine et d'incompréhension, de gorges comprimées d'où s'échappait difficilement la plainte d'une lente agonie.

« Six, sept. Tu étais sensé être à terre. »

Le plus lentement du monde, mes genoux se tendirent et c'est de toute ma hauteur que je pus contempler l'ampleur du massacre. A en voir les chairs à vif, les peaux désormais grisâtres, et les traces que l'ichor écarlate avaient laissé autour des carcasses sans vie, cette esquade avait été abattue sans la moindre pitié.

Loin d'une bataille, ce n'était rien de moins qu'une extermination.

« … Je suis désolé pour toi. »

Un rictus sur les lèvres, mes muscles ankylosés peinant à soulever le reste de mon corps harassé par le froid et la fatigue, même la pitié semblait faussée. Le visage, apeuré, de mon interlocuteur ne reflétait que le mépris qui pouvait se lire sur le mien, figé, sévère, stoïque, au point qu'aucun de mes camarades n'aurait pu me reconnaître. Fini de sourire, fini de rire, fini de pardonner.

L'heure était au jugement.

Une justice aveugle, lorsqu'elle s'abat sans faire de compromis, une justice implacable, lorsqu'elle n'accepte ni supplique, ni promesse de rémission, une justice pour les morts, offerte par les vivants.

Une justice qui purifie les traîtres à la race humaine dans les flammes et les cendres.

L'odeur de l'essence avait déjà envahie les lieux, une fragrance que rien de ce que mère nature n'a à offrir ne pourrait recouvrir.

Il me suppliait, les larmes effaçaient le sang des joues de l'unique survivant parmi les siens. Les appels a la miséricorde se multipliait, les hurlements devenaient déchirants, et il me questionnait, osait encore me demander ce que deviendrait sa famille, lorsque l’allumette craqua dans mes doigts qui pas une seule fois ne tressaillirent.

« Qui saît ? Je n'ai jamais eu de famille, je ne peux pas répondre à leur place. »

Une dernière fois, ses yeux se levèrent vers les miens, une ultime supplique, une lueur dans ses yeux que je ne saurais définir. Le dernier soupçon d'espérance, le fil d'araignée auquel se raccrochait tous ceux pour qui la mort cesse d'être un fantasme éthéré pour ne devenir qu'une promesse inéluctable.

La dernière couche de raison, celle qui se déchire lorsqu'on émerge d'un songe qui n'a que trop duré.

« Mais vous êtes un exorciste … Vous ne pouvez pas faire ça. »


Ce furent ses derniers mots, peu avant que le brasier inquisitorial ne le consume, lui et les siens, sous l’œil attentif de l’astre solaire.

« On ne m'a jamais vraiment laissé le choix. Jusqu'à maintenant. »

Dieu, ce n'est pas les noés que je hais, ni les humains, pas même toi, tu sais.

Mais l'ensemble de ton œuvre bâclée, qui ne nous fait miroiter l'espoir que pour mieux le reprendre et nous faire plonger tête la première dans le véritable enfer.

La tristesse et la solitude.

Maintenant, il ne me reste plus rien.

Rien, si ce n'est les cris et le silence, en ce froid matin d'hiver.
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Scott Nihil
Mikaël
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Jeu 31 Mar - 20:05
Je n'aurai jamais pensé que mes pas me ramènent la-bas. Jamais pensé même revenir en ce lieu, cet endroit précis..
La neige est toujours là, floutant les frontières entre le chemin et ce qui l'entoure, noyant les pleurs de ces habitants écrasés par l'empire dans son manteau de silence. Je pose mes pas dans mes empreintes inversées, formées il y a 12 ans. Et le paysage n'a tant pas changé..

Les barrières de pierre, les arbres tordus, le ciel pâle, teinté de lilas , fait couler ses nuages sur le sol, couvrant l'atmosphère de flocons délicat et nostalgique. Sais-tu seulement que ta cachette, fut la mienne.. que les pierres froides qui se voûtent au dessus de ta chevelure de corneille, se sont tout autant voûtées sur moi pour me protéger de la pluie chaude de l'été ? Sais-tu que tu t'es de nouveau réfugié dans mes souvenirs .. ?

Je peut te décrire tout ce qui t'entoure, alors même que je ne sais où tu es dans ce champs de pierre. Je peut te citer les noms de personnes enterrées un peu plus haut, car y sont de ceux dont j'ai imaginé le dernier sourire, et chanté le dernier psaume. Te montrer le muret aux pierres saillantes, escalier pour les vivants, trop bancal pour les morts.

Mais j'ignore si je saurai un jour dire ce qui m'a fait te retrouver ici. Ta disparition a fait tellement de bruit..tellement de mots. Certains absurdes, d'autre inquiets. Cependant, les tiens seuls auront le son de la vérité, et c'est , je m'évertue de m'en convaincre, ce que je suis venus chercher à tes cotés.
Alors je t'ai cherché. Le moindre signe, la plus petite information m'ont mené ici. Même ceux auxquels je ne pensais plus croire que par un mélancolique rappels de mémoire. Et pourtant ils me furent des plus significatifs.

Tu es en mon royaume, et je suis venus te chercher.
Mon souffle me devance, nimbe blanc qui joue dans la brise et le vent violent, m'entoure et se pâme, se perd dans le voile noir qui me couvre le visage. Mes os se gèlent et ma chaire se montre sur ma gorge, ouvre grande ouverte ses lèvres en un baiser qui se gèle et se couvre d'une pellicule de givre. Je ne suis plus qu'un fantôme parmi les autres créatures de mon pays, une banshee silencieuse sur un chemin de mort.

L'horizon se dissimule dans la brume, et les formes disparaissent, se fondent dans le brouillard humide et gelé en ce lieu autrefois saint, et désormais abandonné, habité seul par la végétation et ses divinités qui reviennent, momentanément, reprendre leurs droits. Une nature portant son linceul, dont le souffle projette les miettes aux yeux des gens de l'autre rive. Les pans de mur de An Mhainistir Mhór te protègent du monde extérieur, mais si tu demeures ici..c'est pour l'éternité qu'elle te gardera dans ses bras de pierre. Et tu te fondra en elle, à jamais.

L'odeur qui règne m'est connu, et s'estompe sous les bourrasques, la chaleur qui eu pu se dégager de ce bûcher,déjà disparu. Des corps, furent-ils réellement cela autrefois ? Et au delà d'eux, c'est ta silhouette qui se dessine. Tu m'as toujours paru grand, puissant. Sauf maintenant, recroquevillé comme un enfant, pressé contre l'arrondis d'une parois à demi-bouchée par les gravats, le visage et la bouche si pâles que tu sembles déjà appartenir à cette abbaye perdue.

C'est enfin que je peux sourire, après tant de recherche, et te reprendre à elle, t'ôter pour un peu plus de temps à son emprise et te ramener à moi. Mon voile se soulève, et le lourd draps de laine qui ceignaient mes épaules, couvrait mon dos, vient te communiquer ma chaleur, te bercer de son poids et chasser la raideur hivernale qui te prenait dans ses bras, alors que je t'entoure des miens.

« ...Scott... »
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Roisin Korigan
Don't let the door hit ya where the good lord split ya, hunny.
Roisin Korigan
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Roisin Korigan
Sam 2 Avr - 3:45
Une forteresse de solitude, forgée parmi les pierres blanchies par le temps. Sanctuaire de paix, recouvert par la neige, dissimulé par les plantes grimpantes, isolé du reste du monde. Refuge dans la misère, asile pour les opprimés, l'ancien foyer de Dieu ne me protégeait pourtant ni du froid, ni du mal qui, ses griffes plantées dans mon cœur, semblait répudier l'idée même de devoir tomber dans l'oubli.

Seul, assit sur une stèle, parmi les flocons qui, inlassablement, recouvraient le sol d'un tapis opalin, protégé par une arc voûtée de telle façon qu'il me semblait que le poids de la pluie glacée même pouvait la briser. Cagoule vissée sur une tête basse à en rendre jaloux un catoblépas, dont même les yeux noirs ne pouvaient être comparés à ceux qui, perdus dans le vide, semblaient incapables de se lever vers la demeure du Tout puissant, par delà les nuages.

Une forteresse de solitude, certes, une oasis de paix, où je n'avais plus à me forcer à sourire, où toute la peine du monde pouvait peser sur mes épaules, mais où j'étais devenu las de mon propre fardeau.

Je n'avais pas demandé à être seul, au final, c'est la vie qui me l'imposait. A croire que sa consœur, jalouse décharnée, jugeait inadmissible de me laisser jouir de mon existence terrestre. Quid des soldats divins, lorsqu'ils ne deviennent rien de plus que de la chair à canon aux mains de l'Eglise ?
Le sacré corrompu, vicié par l'ichor coulant sur l'Autel de la guerre, lorsque ses hérauts ne pouvait respecter le plus simple, mais le plus primordial des commandements de leur supérieur.

« Tu ne tueras point. », et pourtant nous avions tant de sang sur les mains.
« Tu ne tueras point. », et pourtant la mort faisait tant partie de notre quotidien.

Nés comme armes, non pas comme hommes, ni femmes, un cristal divin planté telle une croix dans nos chairs, qui nous exhortait à vivre de meurtres, qui semait chaos et désolation, tristesse et souffrance.

Combien de veuves, combien d'orphelins, pour une guerre guidée par des idéaux que si peu partageaient ?

Les paroles de mon plus sage frère d'arme ne pouvaient que me revenir, en cet instant.

« Les noés veulent détruire le monde, les exorcistes, le sauver. Peut être que le monde ne souhaite rien de plus que de demeurer en paix. »

Je voulais l'aider, mais quoi de plus difficile lorsque notre action la plus utile se résume à fixer maussadement le fond d'une bouteille vide. Une âme solitaire, dénuée de foyer, jouant un rôle dont le masque même l'empêchait de respirer, qui ne trouve aucune raison pour sortir de son lit, rideaux fermés, lumières éteintes, se demandant vaguement si il est encore vivant, et si tel est le cas, pour combien de temps encore.

« Pouvons nous seulement préserver la paix en commettant des homicides ? »

Cette simple pensée en devenait ridicule.

Au final, peut être que nous ne valions pas mieux que les apôtre de Noah, nous tuons comme eux, rejetés, tout comme eux, nous haïssons ce monde qui nous a forgé sans nous demander ce que nous en pensions, celui la même dans lequel nous avons été jeté en pâture jusqu'à ce qu'il ait enfin besoin de nous, forcé de protéger des personnes que je mourrais d'envie de voir ramper sur le sol à implorer mon pardon. Des traîtres, des monstres, que même les frères d'Adam n'égalaient pas.

Qui vendraient pères, mères, femmes et enfants pour quelques morceaux de papiers sans valeur.

Mais la noirceur de leur cœur ne me donnera jamais le droit de rendre justice moi même.

Tôt ou tard, j'allais devoir payer mon affront, une dernière fois encore. Il ne me restait qu'à espérer un jugement clément, ou qu'une âme charitable vienne me libérer de mes tourments avant que l'on ne me menotte les poignets.

Et comme pour répondre à ma muette supplication, le spectre de la mort se dirigeait vers moi, de son pas léger et ferme, silencieux mais implacable, Reine sombre dans ce royaume d'une limpidité éclatante.

Allait on enfin me délivrer de mes tourments ? Allais je enfin fermer mes yeux, pour la dernière fois ? Un dernier soupir, un dernier saut vers le néant ? Fini la guerre, les larmes, les cris, la douleur, le sang, les pertes, fini de vivre pour combattre, fini de combattre pour survivre, fini de survivre par peur de l'après, par peur de voir son existence se dissiper comme si nous n'avions jamais exister.

Allais je traverser ce voile, si fin, semblable à celui dont elle me couvrait, dont la douceur et le parfum me semblait oh combien familiers, et tellement rassurant.

« Roisin ... »

Je m'enivrais de ce merveilleux arôme, silencieux, les paupières desesperement closes, effrayé à l'idée de les ouvrir, de me rendre compte que ces quelques secondes n'étaient rien d'autre qu'un tendre et vicieux songe, de me réveiller et de me rendre compte que le châle avait disparu, de même que sa propriétaire. Un rêve parmi tant d'autres, un rêve que j'avais trop de fois vécu, qui m'avait par trop fait souffrir lorsque je me réveillais seul dans le froid hivernal. Que j'appréhendais, mais dans lequel, à chaque fois, j’espérais pouvoir me replonger, à défaut de pouvoir en faire une réalité.

Ses bras autour de ma nuque, caressant ma peau, j'en avais tant de fois rêvé avant de me rendre à l'évidence. C'était une Femme, et, malgré le fardeau que portaient mes épaules, je restais un enfant.

Un putain d'enfant triste, en larmes, sous les traits d'un jeune adulte.

Mais lorsque mes yeux verts, sous le coup d'une bise glaciale, émergèrent enfin, rien ne disparu, ni le foulard, qui me recouvrait, ni ses mains, posées contre mon visage, ni la chaleur qu'elle m'accordait.

Ni Roisin, qui loin d'une illusion ou d'un fantasme éthéré, me fixait de son tendre regard.

« … Comment ? Et pourquoi ? »

J'avais tant envie de lui rendre son étreinte, de me lever et de la serrer contre moi, de me délivrer de mon fardeau, du dictât du silence, hurler des mots, des sentiments qui me semblaient évidents, mais dont je ne saurais entièrement décrire la véracité, auxquels je ne saurais donner forme qui rende parfaitement justice à la douce Irlandaise, aux battements effrénés de mon palpitant lorsqu'elle me rendait mon regard, aux frissons qui éructaient ma peau nue lorsqu'elle l'effleurait, à la crainte que j'avais d'un jour la voir, elle aussi, disparaître dans le néant.

Des femmes, je ne connaissais que l'illusion de la séduction, des caresses hâtives, jamais de toucher, des lèvres qui s’effleurent sans jamais se lier, des corps qui se confondent, mais jamais ne s'enlacent, des cris et des gémissements, mais jamais de murmures, ni de mots d'amour.

L'Amour, un mot si facile à penser, mais que je n'aurais jamais cru définir, qui me semblait inaccessible, tant le sens qu'il avait m'attirait inexorablement, mais qui, je le savais m’achèverait si je m'y consumais entièrement, papillon de nuit voletant autour d'un feu de joie.

Pourtant, si Elle était là à présent, ce n'était ni un hasard, ni un miracle.

Mais bien parce qu'Elle était la seule personne qui pouvait partager mon sanctuaire, mon hâvre de paix.

Mais ça, peut être ne le saura t-elle jamais.
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Sam 2 Avr - 15:16
Mon corps n'a plus la chaleur qu'il eu autrefois. Cette première fois où nous nous découvrîmes, l'un et l'autre dénudé d'anonymat. Celle qui couvrit ton visage fiévreux et humide de ses ténèbres moites. L'alcool t'en a pris le souvenir, mais jamais je n'ai pu oublier ce visage juvénile, tordu par les tourments d'un adulte. La mémoire est notre monde, nos souvenirs , nos limbes. Et par chaque être, elle se meus, et se transforme.

An Mhainistir Mhór est de ces endroits archivistes. Je me demande bien pourquoi tu viens ainsi à chacune de mes demeures, passées comme présentes, et y dépose ton désespoir. Tu sèmes ton passé, le plante profondément dans ma dimension, et ne l'a jamais quitté. T'ai-je ainsi connu avant que tu ne sache dessiner mon visage par ton regard ?

Sous les bourrasques, il ne faiblit pas..creusé, enfoncé dans tes orbites noircies. Qu'es-tu devenus, poussé au bord du précipice par l'humain puissant ? Même ta voix semble diluée par l'atmosphère brouillée de cet endroit entre deux mondes. La mienne transpire de la brèche béante qui ouvre ma gorge alors que je te rappelle à moi de ton prénom.

« - ….Ces questions sont-elles si importantes ? Je t'ai cherché, et je t'ai trouvé. Je suis venus pour toi, et là ou tu te tiens, le lieux ou nous sommes, fais partie de mon enfance. Donc je t'ai trouvé. C'est aussi simple que ça.. »

Mes mains joignent le col de la cape, l'attache sous ton cou d'une broche en argent terni, symbole ancien ostentatoire en déni de la force Divine dont nous sommes les mains vengeresses, manipulées par les humains. Et mon silence élude ta seconde interrogation, dont je crains la réponse. Pourquoi..
Je n'aurai pensé qu'elle soit posée, tant elle est évidente. Un lien de famille, celle que l'on choisie, que l'on désire. Des yeux verts perdus dans le vague, et un corps flottant dans un éther indistinct. Tu n'appartiens pas totalement à ce monde, et cherchant ta place, tu te perds davantage.

C'est ce qui m'a mené à toi, ce pourquoi je suis là. Et tandis que j'ajuste le draps de laine, mes yeux restent bas quelques minutes, perdus dans leurs songes avant de revenir croiser ton visage.
La blancheur de ton teint ne te sied pas, à l'image de ces creux formés par la faim. Je me demande dans quel enfer tu es passé pour être ce pâle fantôme survivant.
Mes bras reviennent te ceindre, te presse contre mon corps qui se pare de la fourrure neigeuse, et quand mes doigts se glissent dans tes cheveux, c'est pour ne pas te laisser partir.

Je tremble, t'agrippe, comme s'il s'agissait de moi. Mes lèvres contre ta peau, ma joue contre tes pommettes rougies de gel. Et je te supplie..je te supplie de me laisser t'aider..de ne pas me laisser derrière toi..

Ton visage fini au creux de mon épaule, la seule qui ne se débute d'une plaie au sang cristallisé de blanc, alors que de toute mon envergure, je cherche à te couvrir. Te relever.

Le silence continus de régner, le vent souffle et fais hurler les arbres, grincer les pierres centenaires qui nous garde. Isolés. La tempête qui ronge mon cœur, l'orage qui gronde dans ton âme, les font hurler et pleurer dans une atmosphère de paix. Toute notre histoire, n'appartient qu'à l'humanité. Et nous la posons sur le destin même du monde.. Nous n'avons besoin que de répit..que d'une paix, qui, si elle n’empêchera personne de mourir, nous laissera le faire sereinement.

Nous sommes si petits, Scott. Pourquoi devons nous affronter de si grandes choses ? Pour qui ?
Qu'est ce que nous devons à ces institutions, pour consumer notre humanité, la reléguer au rang de faiblesse, et refuser d'être humain.


Mon dos se redresse, t’entraîne dans son ascension, et mon bras se glisse à ta taille devenus plus fine, alors que je détourne le faciès, affrontant de nouveau la valse du froid et le baiser de mon propre souffle , animé de sa vie propre en cet enceinte sacrée.

« ...Nous devrions trouver un lieu qui te permettra repos, chaleur et vivres.. »

Retourner chez les hommes, et camoufler une fois encore ces sentiments, ces blessures fermées comme le sont les tombes qui nous surplombent, masquées par les murs de pierres.
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Roisin Korigan
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Roisin Korigan
Lun 4 Avr - 0:21
Si les bras qui, désormais, ceignaient ma nuque tel un collier de chair dont je souhaiterais qu'on ne me dépossède jamais n'exhalaient plus leur chaleur originelle, l'ardeur qu'ils faisaient naître en mon sein, issue des tréfonds de mon âme, balayait l'étreinte glaciale de l'hiver, évinçaient le froid et la neige, exilaient les doutes et les peurs jusqu'au plus profond des abysses desquelles ils n'auraient jamais du sortir.

Mes souvenirs étaient vagues, ils se perdaient, se confondaient entre rêves et cauchemars, mais, je le savais, jamais auparavant je ne m'étais senti ainsi, en paix avec moi même, jamais je n'avais autant eu cette  impression d'être accueilli dans un chaleureux foyer qu'ici, en Irlande, parmi les flocons et le soleil levant, serrée contre Roisin Korigan, sa cape retenue par sa broche, collée contre mon dos par la bise, et mon palpitant s'accordant le droit indubitable de me prouver, une fois de plus, que rien de ce que je voyais, rien de ce que je ressentais n'était le fruit de murmures et de songes fantasmés, que mon cadavre ne gisait pas sur terre, tandis que mon âme s'élevait à la recherche de l'illusion d'un monde plus beau, d'un monde parfait.

Tout était réel, et, recouvert d'une mince couche de brume, tout semblait pourtant éthéré, issus de la jonction de plans lointains. Des silhouettes, indiscernables, se dessinaient à l'horizon, se mouvaient sous le vent qui, doucement, faisait s'agiter des branches d'arbres dénudées, les flocons chutaient lascivement de leur trône céleste, et les pierres blanchies par l'usure nous contaient l'histoire de siècles passés dans le calme la quiétude qu'apportaient les rares saisons de paix et d’allégresse.

Mais dans ce merveilleux décor, je n'avais de yeux que pour elle.

Son visage pâle, trop pâle, livide même, lorsqu'elle portait ses longues robes noires, lorsqu'elle dissimulait ses cheveux d'ébènes derrière un sombre voile de veuve, le même qui, par trop souvent, m'empêchait d'admirer les couleurs qui, rarement, teignait ses pommettes et ses lèvres sur lesquels je souhaitais tant déposer les miennes.

Pendant que mon regard se plongera dans ses iris colorées d'un absinthe dont désirais tant m'abreuver.

« Tu es venue pour moi … Jusqu'ici ? »

Mon menton s'abaissa, suffisamment pour que je puisse apercevoir la balafre rougeâtre qui traversaient son cou, plaie ouverte, infecte, causée par un cristal qui osait se dire divin.
Les chairs ne se refermaient pas, elle devait tant souffrir, en silence, ma belle irlandaise, lorsque ces marques semblaient vouloir occulter sa beauté sans jamais y arriver. Le seigneur lui même jalousait il les attraits qu'il lui avait octroyé, qui lui avait apporté tant de souffrances ?

Elle était pourtant tellement plus qu'un splendide sourire empli de tendresse sur un visage d'ange déchu, tellement plus que ce que je ne saurais décrire avec des mots.

Mes doigts se levèrent, sans trembler malgré le gel environnant, traversant la courte distance qui me séparait de sa gorge offerte, rompant avec les promesses que je m'étais faite tant de mois auparavant. Je voulais tant me protéger, me mettre à l'abri de ces sentiments qui écorchaient ma poitrine, que j'en venais à craindre d’espérer. Et si mes phalanges la traversaient tel un mirage, qu'elle se dissipait, elle et sa douceur, elle et sa chaleur, si tout devait disparaître jusqu'à me retrouver une nouvelle fois seul parmi les ruines, pendant que les jours passaient et que, lentement, je commençais à en devenir une moi même.

Que nenni, mes doigts s'apposèrent, proche de l'estafilade, et ma voix résonna, trop basse, sur le ton de la confidence alors que nous n'étions que deux sur scène, acteurs d'un drame moderne.

« Tu as froid. »

Pourtant sa cape couvrait mes épaules, me protégeait d'un froid dans lequel j'ai tant songé à m'envelopper, me recouvrir  qu'il devienne mon guide vers l'autre monde, vers l'enfer glacé de Cania, sans jamais osé franchir le dernier pas. Aux derniers instants, avant la torpeur, mon corps se soulevait de lui même, le souffle court, et le souvenir douloureux de pupilles luisantes me ramenait à la réalité. Au fond de moi, je le savais, la réponse se trouvait au fond des prunelles que je cherchais des miennes, mais me l'avouerais je un jour ?

Douce Roisin, tendre Roisin … Pourquoi souhaiter me sauver lorsque toute ma vie je n'ai cherché qu'à me détruire à petit feu ?

Je me relevais, lentement, mes jambes ankylosées ne me permettaient plus de m'élever fièrement, je n'en avais plus la force. Pourtant je ne ressentais plus ni faim, ni douleur, mu par une volonté nouvelle lorsque mes paumes effleurèrent ses hanches, l’étreignaient et la ramenaient contre moi, lorsque mes bras ceignirent sa taille tel un étau envieux de lui transmettre le brasier qui couvait en moi, moi qui rêvait tant de le laisser nous consumer, sans en être capable, restreint par la crainte du rejet.

Si son cœur ne pouvait être mien, en survivrais je ?

Qu'importait, si la loi du silence s'imposait, rien en cette étreinte ne pouvait sembler innocent.

« Tu dois être affamée, et nous devrions y aller. »

Les mots suivants sonnèrent le glas, la fin d'un dictât muet. « Si je devais mourir, à quoi bon finir mes jours dans le mensonge ? » Furent les pensées qui nouèrent ma gorge lorsque mon visage s'approcha, le plus lentement du monde, de celui que je caressais des doigts, rejouant cette scène que j'avais tant de fois rêvé, une nouvelle fois encore, une dernière fois peut être, pressant mes lèvres contre les siennes, un unique instant figé dans le temps, deux statues de glace à jamais enlacées, pour l'éternité.

« … Mais je n'en ai aucune envie. »
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Mar 16 Aoû - 18:26
Dans mes bras, tu pèses si lourds... J'ignore pourquoi, quelle idée me traversais la tête, mais je t'imaginait plus léger que ça. Ou est-ce juste qu'habituellement, tu te dresse seul, étend les bras comme tu étendrais les ailes dans un sentiment de toute puissance. Et aujourd'hui, tu sembles avoir de soutiens. Et aujourd'hui je culpabilise plus encore sous tes mots de ce que j'ai pu penser de toi.

Je t'ai toujours vu comme quelqu'un de particulier, et j'ai toujours ressentis de la bienveillance à ton égard, mais jamais comme tu ne le désirai auparavant. Toi et moi venons du même monde, et savons comme beaucoup que chaque respiration est un luxe. Alors penser aux sentiments, même pour moi qui en ai fait mon métier...

Tes mots résonnent dans cette atmosphère cotonnée de neige, et tu fais faillir toute mes tentatives de fuite par le faible son de ta voix. Venir pour toi..jusqu'ici.. Des années que je n'avais entendus ce son, cette alliance de mot. Sais-tu Scott ?.. J'ai été mariée. J'ai été aimée, maladroitement, certes, mais les étreintes, les rires et la famille, j'ai frôlé l'espoir, un jour, de connaître ce genre de foyer. Et la dernière fois que j'ai entendus cette phrase, elle était de sa gorge, enserrée bientôt d'une corde.

Pas de neige, pas de ruine poétique dans les confins berceau de mon histoire. Mais une estrade, une foule et un juge, bourreau de cet homme, qui avait été celui des siens. Un bruit de bois, et une chute qui se terminait sans le laisser finir sa phrase, que je n'avais que deviné par la forme de ses lèvres.
Tes yeux semblent comme les siens . Résignés d'une douce mélancolie , et j'en sursaute au contact de tes doigts, si froid...

Je ne peut plus que suivre ta lente ascension, alors que sans quitter tes iris, les miennes brûlent, se remplissent de larmes qui gèleront bientôt sur mes cils. Et qui viennent mourir le long de ma mâchoire, quand je dois la relever pour ne pas briser cette ligne muette qui nous lie enfin.
Alors que tes bras m'entourent, je ne sais plus que penser, comment bouger. Je crois que je réalise. Après tout ce temps, je t'ai enfin trouvé. Pas seulement ton corps, ta présence. Je t'ai trouvé.
Et je crois que tu ne m'avais au final, jamais quitté.

Mon corps se retrouve contre le tiens. Je n'avais pas vu combien tu es grand. Je dois relever les bras bien haut désormais pour t'en ceindre, et il m'est plus facile de les garder autour de ta taille. L'oublie m'étreint en même temps que toi, celui du froid, de la faim...de la peur...Si j'en venais à mourir en cet instant, aucun regret ne serait emporté dans ma tombe. Tes mains passent le long de mes flancs, ces flancs qui furent bien plus ronds il y a de cela quelques années. Peu, mais qui me semblent un autre âge.

Est-ce que tu crois que c'est la fin du voyage ? Qu'une fois que nous aurons quitté cet endroit, tout reprendra ses droits ? Je n'aime pas me battre, n'ai jamais voulus tout ça. Si, venant me chercher quand j'agonisais dans ma couche et mon sang, tu m'avais dit tout cela, j'aurai usé de mes dernières forces pour te maudire, et te fais sortir de chez moi. Toute ces paroles d'encouragements envers les plus jeunes, ces mains tendues en soutient, si je n'avais vu ton expression anéantie , à devoir les faire se relever, et pousser leurs vies à l'ultime sacrifice,je t'aurai maudis de les conduire à l' abattoir.

Je crois que je comprend toujours pas pourquoi nous faisons tout ça. Pourquoi défendre ce que nous sommes...
J'ai vu de la beauté en l'être humain. Sa compassion, son amour, son ambition...Mais n'est-ce pas le court des choses ? Notre vanité mérite t-elle d'être sauvé au dépend de tout le reste...J'ai étreint des assassins..et consolé mon mari du meurtre de sa femme et de ses enfants. J'ai bercé des illusions brisées entre mes cuisses, pleuré avec des violeurs et des égorgeurs..

Mes yeux se closent sous le toucher de tes doigts, mon souffle est entre l'arrêt et l'accélération quand tu cesses le court de mes pensées d'un baiser.
J'accepte de finir ce voyage avec toi. Jamais je n'en connaîtrais la réelle raison. Le réel bien ou mal. Mais je ne me crois pas assez digne pour me porter garante et chevalière de cette humanité inexorablement perdue de sa propre volonté. Je ne ferai dès lors, que t'y accompagner.
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Roisin Korigan
Don't let the door hit ya where the good lord split ya, hunny.
Roisin Korigan
Roisin Korigan
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Roisin Korigan
Mar 16 Aoû - 22:58
J'errais dans un sombre brouillard d'une opacité sans commune mesure, incapable d’apercevoir la lumière d'un astre dont je rêvais pourtant de sentir la chaleur échauffer ma peau meurtrie par le froid. Je ne savais guère depuis combien de lunes ces ténèbres envoûtantes m'enveloppaient, des semaines, des mois peut être ? Sûrement des années, passées à traîner les pieds, plongés dans un océan de vicissitude, porteur d'un fardeau que rien ne pouvait alléger, Atlas dont la charge commençait inexorablement à avoir raison de lui.

Je rouvris les yeux, reculant doucement mon visage, rompit à regret une étreinte trop longtemps attendue, un baiser que j'aurais tant espéré voir s'approfondir des heures durant, une étreinte s'éternisant à l'infini, nous murmurant de douces paroles entrecoupées de nouveaux baisers dans lesquels nous nous consumerons, l'un en l'autre, brûlant de passion trop souvent retenue, trop souvent cloîtrée dans un lieu isolé de mon inconscient, un désir enchaîné ne rêvant que de s'affranchir et de s’exonérer, mais je ne le pus, je ne pouvais le faire, je ne pouvais faire cela à Roisin. Pourtant …

« J'en meurs d'envie … Depuis quelques temps. Je crois. J'y ai beaucoup réfléchi ces dernières semaines. »

Le mot était faible, alors que je demeurais, solitaire, hissé sur mon perchoir de pierre au beau milieu de ce lieu de foilaissé dans l'abandon, que le monde me semblait terne, que l’espérance avait, - il me le semblait - , à jamais quitté mon cœur, enfermé à jamais dans la boîte de Pandore, lorsque je me demandais quelle odieuse raison pouvait me pousser à avancer sur un sentier battu encerclé par les ronces, seule une pensée me faisait me relever, me poussait à vaincre les ombres du désespoir. Un visage pale, un sourire.

Et des yeux de la couleur de l'absinthe.

« Mais je suis jeune, Tu me l'as déjà dit, trop pour toi. Tu ne dois pas me voir tel que moi, je te vois »

Ces mots m'écorchaient la langue alors même que je les prononçais. Une partie de moi pensait sincèrement ces phrases qui traversaient tant bien que mal la barrière de ma gorge nouée, une autre souhaitait me coller une gifle, me dire que cela faisait bien des lustres que j'avais perdu les rondeurs de l'enfance, bien plus encore que l'innocence m'avait quitté à jamais, que le temps et la mort avaient fait leur office. Ce fragment de ma personne ne voulait que récupérer le contrôle de mon corps, entrelacer mes doigts aux siens et l'attirer vers moi, planter mes yeux dans les siens, lui sourire, et reprendre exactement là où nous nous étions arrêtés.

Je voulais lui dire, que je l'aime, je voulais tellement le lui dire, avant que cet instant figé dans l'éternité ne prenne fin.

« Tu mérites le bonheur Roisin, peu importe ce qu'il t'est arrivé, ce qui nous est arrivé. »

J'avais l'impression que les mots que je prononçais n'avaient plus le moindre sens, j'avais l'impression de ne plus pouvoir penser tel que je le devrais, de ne plus être celui qui se tenait en face d'elle. Emprisonné à l'intérieur de moi même, la logique reprenait ses droits : je ne pouvait me permettre lui dire des mots qu'elle ne souhaitait entendre, qu'elle avait sûrement par trop de fois entendu, autant pensé du plus profond d'un être, que de paroles en l'air.

Elle avait été mariée, elle portait son deuil avant même que je ne la rencontre, et elle le portait encore lorsque je l'ai embrassé, le sombre voile qu'elle arborait ne faisait pas que dissimuler son doux faciès à mes yeux autant qu'à ceux du reste du monde. Elle avait sûrement déjà aimé, pas seulement l'homme qu'elle avait prit en épousailles, et dont le souvenir semblait encore la hanter aujourd’hui alors même que je la tenais dans mes bras. Elle avait sûrement sentit son palpitant s’accélérer, son rythme cardiaque croître, tel le mien en cet instant, plusieurs fois, et on l'avait sûrement déjà aimée, ne serait ce que quelques secondes, un nombre incalculables de fois.

Et moi, avais je seulement déjà aimé quelqu'un ?

Non, je n'étais plus vierge, depuis un certain nombre d'années, déjà, mais je n'avais jamais fait l'amour avec quelqu'un, tout ce que j'avais bien pu faire, tout ce que j'avais su faire, c'était baiser. A en perdre haleine, a en perdre le souffle, jusqu'à m’anesthésier entièrement, ne plus rien ressentir. Baiser quelqu'un, baiser des sentiments, sans lendemain, sans raisons, j'avais donné mon corps, sans me cacher, parce que dans le fond, il ne représentait plus grand chose pour moi, une enveloppe charnelle que j'avais l'impression de ne plus habiter. Découvrir chaque matin une autre personne enveloppée sous ses draps, des histoires sans lendemain, ne s’intéressant qu'à un physique désirable duquel je tirais profit avant de m'éclipser à la levée de l'aube. Baiser, jusqu'à ne plus savoir aimer justement, jusqu'à ne plus pouvoir le faire : je n'ai jamais été véritablement expert des sentiments, je n'ai jamais su pourquoi.

De nos jours, on baisait sans amour parce que s'aimer n'était plus important, parce que c'était devenu trop dangereux, trop douloureux, parce que personne ne souhaite souffrir.

Ainsi, j'en étais persuadé, jamais je n'aurais su rendre mon âme sœur heureuse, je ne saurais lui apporter le bonheur qu'elle méritait tant. Je n'étais pas bien différent des autres, au final, je n'étais qu'une âme errante de plus.

J'avais déjà souffert, la culpabilité m'enserrait alors à chaque réveil dans les bras d'une inconnue, m’étreignait un peu plus lorsque je m'enfuyais, et voilà bien des années que cette vie appartenait au passé.

La contrition plantait encore ses griffes acérées en mon sein, parce qu'au fond, je le savais, ces martyrs qui, à présent, partaient en guerre, la main sur le cœur et l'arme au poing, beaucoup en étaient là par ma faute.

Beaucoup étaient morts par ma faute, et j'étais aussi coupable que leurs meurtriers.

Presque tous l'étaient en réalité. Ne restait qu'une personne, une personne que je n'aurais jamais, jamais supporté de perdre.

« Je ne peux t'y forcer, pas si … Tu ne le désires, tu n'as pas besoin de ça. »

J'essayais de sourire, mais le cœur n'y était pas, je ne pouvais me résoudre à désenlacer nos corps, je ne voulais la relâcher, je ne voulais croire que ce n'était qu'un rêve, qu'elle n'était venu pour moi, je ne souhaitais pas que tout se finisse ainsi.

Mais rien ne dépendait de moi, et j'étais las … tellement las, que j'en posais le front sur l'épaule de celle qui faisait battre mon cœur, murmurant d'une voix trop abattue, une dernière fois encore.

« Et moi, j'ai ... besoin de partir. »


HRP : C'est moche, désolé
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Scott Nihil
Mikaël
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